Lié tout particulièrement à la création musicale, il s’agit d’un nouveau métier issu de l’émergence des technologies numériques de la musique et du son. Il a reçu, au cours de l’évolution de l’Ircam, différentes dénominations : tutor, assistant musical et, dernièrement, réalisateur en informatique musicale (RIM). J’ai moi-même exercé ce métier sous ces trois dénominations entre 1995 et 2005 notamment à l’Ircam, au CIRM ou auprès de Art Zoyd, où ma pratique pouvait varier selon la nature des collaborations et les affinités personnelles (cf. Autres réalisations). Par ailleurs, mon activité d’ethnomusicologue au CNRS entre 1989 et 1994 était parfois comparable : mes recherches portaient bien sur la création musicale (au sein de sociétés de tradition orale) et ont recouru, si ce n’est contribué modestement, à certains développements particuliers de l’industrie musicale (cf. Entretien avec Christian Braut (1993)).
En France, la plupart des centres de création musicale ont plus ou moins suivi les dénominations de l’Ircam, les personnes exerçant ces compétences particulières en étant le plus souvent issues. Depuis quelques années, cette activité se développe et se diversifie avec celle des différents centres ou institutions de création musicale, selon la rapide évolution des technologies, et selon la nature des collaborations.
A l’origine, la dénomination importait peu : la nature très expérimentale de ce métier fondé sur des recherches tant scientifiques qu’artistiques, et les productions qui en étaient issues rares et peu connues d’un grand public. Le travail consistait essentiellement à établir des liens pertinents entre différents chercheurs (acousticiens, psycho-acousticiens, informaticiens), développeurs en informatique et compositeurs qui désiraient intégrer ces recherches dans le travail de création. Il s’agissait en quelque sorte d’un rôle de « tuteur » - ou tutor - initiant un artiste (compositeur) aux concepts et aux outils développés au moyen de technologies alors nouvelles et encore peu accessibles (l’Ircam était alors doté de moyens considérables mis en concurrence avec ceux de centres de recherche américains : Standford, San-Diego, Berkeley, MIT, etc.). Le rôle du tutor était donc à la fois pédagogique et d’assistance à la réalisation d’œuvres auprès de compositeurs plus ou moins renommés. Et les compétences du tutor, nouvelles, étaient acquises « sur le tas », par un investissement personnel donnant lieu à des expérimentations inédites et participant à une culture underground.
Par la suite, alors que les technologies numériques de la musique et du son se popularisent et que la création de « musique contemporaine » - dans une tradition dérivée de la musique concrète et de courants avant-gardistes de musique électronique, cybernétique etc. - s’adresse à un public de plus en plus large, l’activité du tutor se développe, commence à croitre en volume et à être plus exposée : davantage de créations, davantage de concerts, davantage d’enseignement et de documentation. Les tutors sont amenés à se spécialiser sur des tâches plus précises, par exemple enseigner ou au contraire produire et, dans le cas de productions, de prendre de plus en plus de responsabilités dans le travail de création (écriture, exécution sur scène, etc.), et soulager ainsi les compositeurs qui, eux-mêmes, se doivent d’être plus productifs (d’où la notion d’assistant musical). Ainsi, avec les questions liées à la reconnaissance et à la valorisation de ces responsabilités, commencent à se poser celles liées relatives aux droits d’auteur ou voisins. Ce, d’autant que l’informatique, en se miniaturisant et devenant plus accessible, nombre d’assistants musicaux commencent à pratiquer leur métier en « free-lance », le plus souvent sous le régime d’intermittent du spectacle.
Ainsi, comme l’attestent les Journées professionnelles sur le métier de Réalisateur en Informatique Musicale (cf. lien ci-dessous), tenues à l’Ircam en 2007 - 30 ans après la création de l’Ircam, la définition du métier et des fonctions du « réalisateur en informatique musicale » n’est toujours pas très claire ; l’établissement des contrats reste d’autant plus délicate que l’exercice de ce métier varie selon les contextes de création et les spécialisations. Cette activité, devenue plus populaire, n’a toujours pas, aujourd’hui, de statut très officiel tel que ceux - bien différents - des ingénieurs du son, régisseurs ou techniciens. Comparable dans une certaine mesure et dans un autre domaine au travail du réalisateur de cinéma, l’appellation Réalisateur en informatique musicale à l’inconvénient de mettre en avant les compétences techniques (informatique) au détriment de celles artistiques, ce qui tend à restreindre la prétention à certains droits liés à la création. Malgré ces Journées professionnelles sur le métier de Réalisateur en Informatique Musicale et un audit du Ministère du travail, l’évaluation des différentes compétences, contributions et responsabilités reste aujourd’hui délicate. On peut cependant considérer que ce nouveau métier met en évidence une évolution des pratiques artistiques à laquelle l’administration culturelle doit s’adapter de même que, paradoxalement, l’enseignement institutionnalisé de ces compétences reste rare quand les métiers artistiques et l’industrie du multimédia sont en pleine expansion... Et, à l’inverse, ce métier émergent de s’adapter aux mutations de l’économie de la culture et de l’invention.
A propos
- Les origines du nom de RIM - realisateur en informatique musicale - Laura Zattra, 2013) - pdf (JIM2013)
- « Nouveaux métiers, nouvelles tendances » - Le Monde, 2013
- « Les métiers du son montent en gamme » - Le Monde, 2013
- Journées professionnelles sur le métier de Réalisateur en informatique musicale (2007)
- « Frédéric Voisin et le chant des disques durs » - Le Monde, 2002
- Informatique Musicale sur wikipedia
- Pierre-Michel Menger : Les laboratoires de la création musicale : acteurs, organisations et politique de la recherche musicale, La documentation française, Paris, 1989.